Galilée et le Messager des étoiles

Francis MICHEL

18 fevrier 2017

Le messager des étoiles (sidereus nuncius) est un petit livre en latin (mai 1610) dans lequel Galilée expose les observations qu'il a faites pendant l'hiver 1609-1610 avec sa lunette. C'est un opuscule destiné à tout public cultivé. Son premier tirage de 500 exemplaires fut épuisé dès sa parution. Il décrit l'observation de la Lune, des étoiles et des satellites de Jupiter. Vénus était visible en décembre 1609 mais Galilée ne rapporte aucune observation car à cette date Venus était pleine, donc sans rien de particulier. Le croissant ne fut pas visible avant septembre 1612. Saturne était visible avec les anneaux en hiver mais Galilée ne disposait sans doute pas d'une lunette suffisamment puissante et il fallut attendre l'hiver suivant. Ces deux observations furent rapportées dans Il Saggiatore en 1623 mais aussi dans des lettres plus anciennes.

Un superbe FacSimilé de l'édition latine est diponible sur Internet :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9907264/f21.image

Une traduction anglaise du Messager des Etoiles est disponible sur internet.

https://people.rit.edu/wlrgsh/Galileo.pdf

 Une Traduction en italien:

https://www.irphe.fr/~clanet/otherpaperfile/articles/Galilei/N0094896_PDF_1_41.pdf

Il n'y a pas à ma connaissance de traduction disponible gratuitement en français sur Internet. Plusieurs éditions en français sont disponibles.

Galilée et le Messager des Etoiles

D'abord : en français une lunette astronomique est un instrument construit avec des lentilles uniquement et le télescope comprend des miroirs. En anglais seul le mot telescope est utilisé.

La Lunette

Galilée en 1610 à l'âge de 45 ans publie un petit ouvrage relatant les observations qu'il fit avec une lunette astronomique pendant l'hiver 1609-1610. Il semble qu'il fabriqua son instrument d'après un instrument hollandais qu'il put voir à Venise. Cette lunette ne devait pas grossir plus de deux ou trois fois et c'était plus un jouet qu'un instrument scientifique. Galilée disposait d'un petit atelier et d'un technicien. Il put rapidement améliorer cet instrument en taillant des lentilles plus performantes.

Les lunettes de Galilée au musée de Florence et une lentille :

L'objectif est une lentille convexe et l'occulaire est concave. On voit sur le schéma que l'angle sous lequel on voit l'objet est plus grand que l'angle réel.  

La lunette de Kepler (modene) comporte deux lentilles convexes. L'image est à l'envers mais le champ est beaucoup plus grand : 

A Venise la taille du verre était bien connue. On faisait déjà des lentilles de grande focale pour améliorer la vue des hypermétropes qu'il utilisa comme objectif avec un focale de l'ordre du mètre, une dioptrie. La taille de l'oculaire est plus complexe. C'est une petite lentille concave qui doit avoir une distance focale inversement proportionnelle au grossissement qui est égal au rapport des deux focales. Sa première lunette a un grossissement de huit soit 1m et 12,5cm. Une lentille de 12,5cm est de -8 dioptries déjà bien plus forte que celles utilisées pour corriger la vue des myopes. Un utilisant une petite sphère abrasive il arriva à polir des oculaires de 5cm puis de 3.3cm de focale qui donnent respectivement des grossissements de 20 et 30x pour un objectif de 1m.

Pour évaluer le grossissement de son instrument il dessine des rectangles semblables et de différentes proportions sur un mur. Il observait d'un œil un petit rectangle avec la lunette et avec l'autre un rectangle plus grand sans lunette et il cherche à superposer les deux images ; le rapport est le grossissement. On peut expérimenter facilement ce procédé avec un œil sur une branche de jumelles et l'autre sans instrument et observer un mur de briques. On compte le nombre de briques de la petite image dans l'autre et on vérifie que cela correspond au grossissement des jumelles.

La seconde propriété de la lunette est le champ, l'angle de vision. Par exemple la Lune ayant un diamètre de 30' (½ degré) si on observe la moitié du disque le champ est de 15'. Le champ est en gros inversement proportionnel au grossissement et proportionnel au diamètre de l'oculaire et de l'ouverture de la pupille

La nuit le champ est plus large car la pupille est plus ouverte. Pour l'observation du ciel nocturne le champ des différentes lunettes de Galilée variaient de 10' à 50' pour des grossissements de 20 à 8x. On verra ce que cela implique pour l'utilisation de l'instrument.

Il est étonnant que Galilée n'utilisa pas un objectif convexe et plus facile à fabriquer dont Kepler fit la théorie, et ce qui donne un champ largement supérieur pour un même grossissement. Peut-être cela est dû au fait que pour la lunette de Kepler l'image est à l'envers et que cela pose un problème de pointage. Pour les lunettes actuelles on dispose une petite lunette de Galilée dit chercheur sur le tube de la lunette.

Passons maintenant aux observations de Galilée dans l'ordre du livre.


Utilisation de la Lunette

Galilée pose la lunette sur une planche fixée sur un trépied.

Il pouvait régler son inclinaison avec un écrou et son orientation en tournant l'axe de la fixation sur le trépied. Quand on observe le ciel avec la lunette tournée vers le haut la tête est dans une position très inconfortable. L'astronome doit littéralement se coucher pour diriger sa tête vers le haut. Galilée ne décrit nulle part comment il faisait mais il a dû surement construire un dispositif adéquat pour de longues observations. Il semble qu'il était capable d'observer avec un œil et de dessiner avec l'autre. Comme le champ est très restreint il devait constamment réorienter sa lunette pour contrebalancer le mouvement du ciel en gardant l'objet en vue. Actuellement on utilise des oculaires coudés pour que l'observateur regarde dans un angle droit par rapport à la lunette. 

Ce dispositif redresse aussi l'image.


La Lune

Voici les dessins de Galilée et une photo de ce qu'il pouvait voir avec une lunette dont le champ est à peu près 10' pour un grossissement 20x. Les détails sont fortement exagérés sur ses dessins pour mieux expliquer ce qu'il peut voir. Des points lumineux dans la partie sombres qu'il interprète comme des sommets éclairés de montagnes au lever du soleil. Par un calcul fort simple il mesure que ces montagnes on plus de 10 km de haut. Le grand cirque au milieu de la Lune n'existe pas. C'est un dessin très agrandi d'un cratère.

Dans ses notes on trouve des dessins nettement plus réalistes : 

Les étoiles

« La lunette n'agrandit pas les étoiles mais bien leur éclat.

Les planètes sont des corps ronds et circulaires, pas les étoiles fixes. »

Il donne plusieurs observations d'amas d'étoiles. Pour Orion :

Les positions sont assez approximatives mais la carte donne une bonne idée de l'ensemble. La zone correspond à un champ de 10°x10°. Galilée doit donc observer et dessiner successivement de petites parties de la constellation.

Il dirige ensuite sa lunettes vers les Pléiades très bien visibles en hiver.

Je superpose ci-dessous son dessin et une simulation

La disposition générale des étoiles est relativement bonne mais les distances ne sont pas précises. Il dessine des étoiles jusqu'à la magnitude 7,5. On voit sur la simulation celles qu'il n'a pas pu voir, mais certaines plus brillantes n'étaient pas dans le champ de la lunette.


Jupiter

Il fera ensuite ses fameuses observations des satellites de Jupiter

La première date du 7 janvier 1610 à « la première heure de la nuit » il dessine

          *                                *     O                         *

Il n'indique pas l'échelle mais avec le logiciel Stellarium on trouve 

l s'agit donc de gauche à droite de Callisto, Io et Europa confondus et Ganymède

Dans les jours qui suivent il observe encore deux ou trois étoiles alignées et va écrire :

Je déclare hors de doute qu'il y a dans le ciel trois étoiles errantes autour de Jupiter, à l'instar de Vénus et Mercure autour du Soleil »

Mais le 13 il observe pour la première fois quatre étoiles ; en effet pendant six jours ou bien Callisto ou Ganymède était hors du champ ou un ou deux satellites étaient cachés par Jupiter.

Il va préciser ses mesures mais n'arrive pas à suivre les différents satellites qui ont le même aspect avec le grossissement de 30x, sa lunette la plus puissante. Il les dessine parfois de différentes grandeurs mais ce n'est pas très précis. Galilée n'arrivera pas à déterminer leur période de révolution autour de Jupiter. Ci-dessous une images recomposée des premières observations.

Voici une superposition de ces observation avec le graphique donné par Coelix Apex :

On voit bien qu'il est difficile d'identifier le mouvement des différents satellites

On voit que Callisto le plus éloigné fait une demi révolution en 8 jours environ, sa période est en fait de 16,7 jours. Galilée a noté cela . Voici ses conclusions :

 Ces confrontations de Jupiter et des Planètes qui l'entourent avec l'Étoile fixe, j'ai voulu les ajouter afin que, grâce à elles, tout le monde puisse comprendre que les parcours de ces Planètes, en longitude comme en latitude, concordent exactement avec les mouvements qui sont dérivés des tables.

Voilà les observations des quatre Planètes Médicéennes, récemment et pour la première fois découvertes par moi. A partir de ces observations, bien qu'il n'ait pas encore été possible de calculer les périodes des Planètes, on peut à tout le moins énoncer quelques affirmations dignes d'attention. Et d'abord, puisque selon des intervalles semblables tantôt elles suivent, tantôt elles précèdent Jupiter, puisqu'elles ne s'éloignent de lui, aussi bien vers le levant que vers le couchant, que selon des écarts très étroits, et puisqu'elles l'accompagnent pareillement dans son mouvement rétrograde et dans son mouvement direct, personne ne peut douter qu'elles ne décrivent autour de lui leurs propres révolutions, tout en accomplissant, pendant ce temps, toutes ensemble un mouvement giratoire en douze ans autour du centre du monde. De plus, elles tournent en cercles inégaux : cela ressort clairement du fait qu'il n'est jamais possible de voir deux Planètes réunies lors des éloignements les plus grands par rapport à Jupiter, alors que, lorsqu'elles sont proches de Jupiter, deux, trois et parfois toutes les Planètes sont regroupées en même temps. On peut saisir, en outre, que les révolutions des Planètes qui décrivent des cercles plus petits autour de Jupiter sont plus rapides en effet, les Étoiles les plus rapprochées de Jupiter s'offrent plus souvent au regard l'Orient quand le jour précédent elles étaient apparues à l'Occident, et vice versa. Mais la Planète qui parcourt l'orbe le plus grand semble, à qui évalue soigneusement les retours notés ci-dessus, avoir des cycles bimensuels. En outre, nous tenons un argument excellent et lumineux pour ôter tout scrupule à ceux qui, tout en acceptant tranquillement la révolution des Planètes autour du Soleil dans le Système copernicien, sont tellement perturbés par le tour que fait la seule Lune autour de la Terre - tandis que ces Planètes accomplissent toutes deux une révolution annuelle autour du Soleil -, qu'ils jugent que cette organisation du monde doit être rejetée comme une impossibilité. Maintenant, en effet, nous n'avons plus une seule Planète tournant autour d'une autre pendant que toutes deux parcourent un grand orbe autour du Soleil, mais notre perception nous offre quatre Étoiles errantes, tournant autour de Jupiter, comme la Lune le fait autour de la Terre, tandis que toutes poursuivent ensemble avec Jupiter, en l'espace de douze ans, un grand orbe autour du Soleil.

(Traduction de Franand Hallyn, Seuil 1992)

Son livre s'arrête brusquement après l'observation de Jupiter sans aucune conclusion mais annonce un ouvrage plus développé, son « système » : Le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (en italien : dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo) est un ouvrage demandé à Galilée par le Pape Urbain VIII vers 1624 et publié en 1632. Plus de dix ans après le messager des étoiles.

Dans le voisinage immédiat de Jupiter et des Pléiades se trouvait Uranus :

La lunette de Galilée permet de voir cette planète aussi lumineuse que les satellites de Jupiter mais elle ne se trouve sur aucun dessin de Galilée. Uranus se trouve alors à 2°45' de Jupiter et donc nettement hors du champ de la lunette pendant les observations des satellites.

Par contre Neptune se trouve sur un dessin de décembre 1612 dans la configuration suivante :

Donc très proche des satellites et dans le même champ qu'une lunette qui grossit 20x. Il est nettement moins brillant que les satellites mais assez pour être observé. Voici son croquis :

extrait de https://www.lalyreduquebec.com/articles.php?lng=fr&pg=279

Je n'ai hélas pas de traduction du texte italien. Il ne fait aucune hypothèse quant à la découverte d'une nouvelle planète mais il a décelé son mouvement qui par rapport à Jupiter a dû être très visible car Neptune et Jupiter ont été en conjonction très serrée, environ une minute d'arc, deux fois le diamètre de Jupiter, le3 janvier 1612.

Voir un excellent texte sur Galilée:  https://www.astrosurf.com/luxorion/galilee-hommage.htm

© Francis MICHEL
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